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Si guerre il y a

Si guerre il y a

 

 

« C’est la guerre » martelait le président dans son appel du 16 mars a qui a marqué les esprits. « Nous ne sommes pas en guerre puisqu’on n’a pas d’ennemi et de champ de bataille » ont rétorqué rapidement les ignorants, toujours pressés à déclamer leurs incompétences.

 Mais c’est ignorer l’évolution des formes de guerre auquel le « terrorisme » nous a obligé.

Depuis quelques années la guerre a changé de forme. A en croire le Général Desportes, la récente histoire politique du monde a fait grandement évoluer les techniques de guerre [1].

Il semble que les formes de guerre récentes n’ont plus rien à voir avec nos pratiques anciennes. C’est est fini du théâtre des opérations ou l’on choisissait de s’affronter comme au stade, des lignes Maginot et des tranchées hachoirs de la jeunesse. Fini la grande muette commandée par des généraux dans leur QG devant des cartes d’état-major prenant des décisions de papier.

Avoir un théâtre des opérations qui rassemblait les belligérants permettait l’utilisation d’armes puissantes comme les bombes ou les gaz de combat. On peut dire très cyniquement que l’usage d’armes puissantes dans un théâtre d’opération circonscrit, a une certaine rentabilité. On se massacre pour un prix abordable. Le rapport nombre de mort/ prix de la bombe reste intéressant. Mais dans les conflits du type guérilla cette technique de combat perd de son intérêt économique. Les armées françaises et américaines en ont fait la douloureuse expérience entre autres au Vietnam ou en Afghanistan . La probabilité que le déluge de bombe tue suffisamment de « terroriste » disséminés et invisibles est plutôt faible. D’autant moins d’intérêt quand « l’autre camp » n’a pas peur de la mort. La menace de la destruction perd alors une grande part de son intérêt.

Les « terroristes » comme les virus ne sont pas facile à identifier, ont une capacité de dissémination incontrôlable et la probabilité de mourir ne les effrayent pas.

 

La guerre contre un ennemie disséminé, invisible et mobile, ne répond pas aux lois des guerres industrielle du Vingtième siècle. La décision stratégique élaborée sous la forme d’une décision prise au sommet par des experts et à appliquer par tous indifféremment, est par définition inefficace.

 

C’est aussi vrai dans la lutte contre les virus. Le « tout confinement » est le moyen le moins économique pour lutter contre un ennemi disséminé, innombrable et qui ne craint pas la mort.

C’est comme utiliser la tactique de la terre brulée pour lutter contre la nuée de sauterelle. La seule chose dont on soit sûr c’est que lorsqu’on aura brulé tout le champ, il n’y aura plus à manger que quelques sauterelles rôties.

La guérilla crée une situation complexe et incertaine. Cela suppose que la décision tactique ne soit pas centralisée, mais élaborée dans l’instant sur le terrain à partir d’une stratégie globale partagée et élaborée à distance dans les cabinets ministériels avec le concours des experts.

Autrement dit : si le pouvoir a comme mission d’élaborer une stratégie commune, la tactique pour l’appliquer reste de la décision hic et nunc, de l’opérationnel. Aligner tout le monde sur la tactique du confinement ne compensera jamais l’incurie des dirigeants de ces trente dernières années qui ont laissé se dégrader la seule armée capable de combattre cette invasion : un système de santé en bon état de santé.

Ce n’est pas une preuve d’impuissance du pouvoir que d’admettre que des décisions d’actions différentes voire contradictoires soient prises localement. Dans une situation complexe et incertaine, la seule manière de faire face est de savoir se situer dans la propension des choses[2]. Savoir répondre localement et ponctuellement. Savoir essayer et se tromper pour apprendre et transmettre les nouveaux savoir au collectif. Menacer d’exercice illégal de la médecine les collectifs de médecins qui essayent des méthodes, n’aide pas à lutter contre sa propagation du virus

Que ce soit à Marseille ou ailleurs, toutes les tentatives de trouver des solutions locales sont ni bonnes ni mauvaises.  Un système de santé qui considère que les personnels en place sont loyaux et compétents doit faire confiance à leurs capacités à essayer de faire au mieux dans la réalité de leur environnement. Ou alors s’il estime qu’ils ne méritent pas la confiance parce qu’ils ne sont pas loyaux et compétents c’est à son système de recrutement qu’il doit s’en prendre.

 

Le reflexe jacobin de tout contrôler des dirigeants de l’état, face à une agression complexe et incertaine n’est pas une preuve de sa puissance mais de sa peur de perdre le contrôle. Sauf que dans l’incertitude ce n’est pas « plus de contrôle » qui est efficace, mais l’attention vigilante et l’attention bienveillante. Garder les yeux ouverts à tous les instants pour être attentif à ce qui survient et être attentif aux besoins des personnes. (par exemple en ne les envoyant pas au front sans masque !)

Bien sûr en affichant sa volonté de contrôler le gouvernement répond à la demande populaire d’être rassuré et d’avoir l’impression que quelqu’un contrôle et « qu’il y a un pilote dans l’avion ». Mais la fonction d’un gouvernement n’est pas seulement de donner le change pour rassurer.

 

La crise du covid 19 est à a fois une crise de santé sociétale[3] et en même temps une crise de nos stratégies de défense. La manière que nous avons de répondre à ces attaques ne correspond pas à la manière qu’a le virus de défendre son intérêt et sa survie. Il y a comme une distorsion de logique. Les terroristes nous avaient déjà alerté sur cette question, ainsi que les précédentes épidémies. Les mesures de sécurité que le monde a prises pour limiter le risque terroriste est ont un coût démesuré, rapporté au risque de mort que font courir les terroristes aux sociétés.

Le mécanisme est bien connu. La destruction des cultures des pays colonisés a fini par donner en retour la réponse « terroriste » sur notre sol.

La destruction des dernières terres sauvages a fini par faire descendre de sa canopée un être vivant qui y était très bien et qui n’est devenu un virus dangereux que lorsque sa stratégie de survie dans le complexe de la vie sauvage a rencontré un univers organisé et structuré d’une manière favorable à son expansion[4].

La crise du covid est peut-être l’occasion de refonder les stratégies et méthodes martiales de lutte contre les épidémies dans la perspective de la future épidémie d’épidémie cela peut paraitre une bonne action de prévention.

Les épidémies nous mettent devant la complexité du vivant qui fait ce qu’on a toujours fait : croitre et multiplier à tout prix. Elles nous mettent devant notre rigidité et notre incapacité à imaginer un mode de gestion adaptée à la situation. Le problème c’est que notre stratégie de réponse est une stratégie d’attaque qui correspond bien à notre manière habituelle de conquérir. On se défend comme on sait faire : en utilisant des stratégies de conquête : tout détruire finira bien par tuer l’ennemi.

Mais nous ne savons pas faire face à la complexité du vivant. Le considérer comme ayant le droit d’exister, de co-exister, respecter les territoires, savoir perdre un peu pour survivre, savoir mourir : en un mot savoir vivre dans un monde vivant qui est un univers complexe.

 

Comme la guérilla a su faire évoluer les pratiques de combat de l’armée, on est en droit d’espérer que le covid, dont la venue avait pourtant été annoncée il y a plus de dix ans, finira par faire évoluer les stratégies de santé publique.

Il ne s’agit pas de dénoncer ou d’accuser après coup (ou après coût ?) les gouvernants d’avoir fait un mauvais choix. Il n’y avait que des mauvais choix à faire.

Les français ont depuis toujours choisis (activement en votant ou passivement en ne votant pas) pour le maintien d’une direction jacobine de l’état. Aucune proposition politique de gouvernance adaptée à la situation n’a été faite dans le paysage politique français qui aurait pu leur être entendable et éligible. Donc personne au pilori ou tout le monde !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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[1] Au risque de transformer sa pensée je re-traduis ici ce que j’ai cru comprendre de son point de vue. Et je comprendrais bien qu’il ne se reconnaisse pas dans ce qui suit.

Voir son ouvrage : Vincent Desportes Décider dans l’incertitude ed : Economica

 

[2] Selon la belle expression de notre grand spécialiste de la pensée chinoise François Jullien dont l’ouvrage devrait nous inspirer pour changer de modèle d’intervention.   François Jullien. La propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine.. ed : Seuil points essai 1992

[3] Voir le texte : Lavoisier reveille-toi on est devenu fou ! http://denisbismuth.over-blog.com/2020/05/lavoisier-reveille-toi-on-est-devenu-fou.html

 

[4] https://www.novethic.fr/actualite/environnement/biodiversite/isr-rse/comment-la-mondialisation-la-deforestation-l-elevage-intensif-ont-accelere-la-propagation-des-epidemies-comme-ebola-la-dengue-ou-la-grippe-aviaire-148495.html

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