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denisbismuth.over-blog.com

Soigner la santé publique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire que notre système de santé est fortement dégradé.


Sans doute parce qu’il est dépourvu d’éthique (sinon de morale), le Covid 19 a été plus efficace que l’interminable grève sacrificielle des personnels hospitaliers pour convaincre les gouvernants de ne plus sursoir à la nécessité de soigner la santé publique.

Nul doute que le Covid a fait de longues études dans le domaine des stratégies de manipulation, car il a été capable de faire ce que le personnel hospitalier n’a pas su faire :  Une prescription de symptôme.

Il a su mettre le personnel hospitalier dans une situation suffisamment dramatique, telle que les décideurs politiques ne pouvaient plus tergiverser et procrastiner dans leur décision de soigner la santé publique.

Le Covid a su sortir tout son art de la manipulation en se servant comme levier de mobilisation des politiques, de la corde sensible du public qui a, par ses applaudissements de huit heures du soir, indiqué aux politiques qu’il avait entendu la souffrance des soignants. Ainsi le public a indiqué qu’il autorisait ces mêmes décideurs politiques à entrer en action.

 

Les grandes crises ont toujours été l’occasion d’innovation.

Au-delà des innovations sanitaires en termes de soins et de prévention, la crise du covid 19 introduit une rupture dans l’équilibre du système de santé qui contraint à le transformer est l’occasion d’innover en matière d’organisation et de management du système de santé.

 

Soigner le système de santé une question de moyen ?

Soigner le système de santé ne pourra pas se résumer à une obole dans la sébile des soignants. Ce serait une insulte à leur engagement sacrificiel. Même si une augmentation de salaire s’avère nécessaire ce sera bien évidement tout à fait insuffisant.

Soigner la santé c’est reconstruire un système de santé qui s’accorde avec l’évolution de la société et ses exigences d’adaptabilité en continue.

Plus que de dépenser de l’argent à renforcer les mécanismes de contrôle, soigner la santé c’est d’abord et avant toute chose changer de modèle d’organisation. Alléger l’organisation du contrôle en renforçant l’organisation de la responsabilisation.

Le système de santé français porte comme un fardeau inutile une organisation bureaucratique contrôlante.  Pourtant dans notre pays d’autres corps institués comme l’armée ont su évoluer sous la pression de l’environnement. Mais le système de santé est resté dans une rigidité bureaucratique qui coûte beaucoup plus cher que les économies qu’on pourra réaliser dans une transformation organisationnelle.

On comprend bien que la santé est un secteur sensible. La nécessité d’une sécurité dans un tel secteur pourrait faire penser qu’il est indispensable de démultiplier les systèmes de contrôle, que seule une organisation bureaucratique peut assurer le contrôle nécessaire pour assurer cette sécurité.

En réalité on s’aperçoit au travers d’expérience conduite un peu partout dans le monde que le renforcement du contrôle est une cause d’un désengagement et d’une fatigue psychique des personnels. On sait par expérience que l’organisation bureaucratique produit du désengagement et freine les possibilités d’adaptation[1]. Il y a dans le fonctionnement bureaucratique un sous-entendu de défiance par rapport au personnel. Il est nécessaire de les contrôler parce qu’on n’est jamais sûr de leur compétence et de leur loyauté.

Or la grève sacrificielle qu’ont conduit les soignants est le meilleur discours sur leur loyauté. Quant à leurs compétences, si les directions bureaucratiques du système hospitalier en doutent, c’est plutôt une remise en question de son système de formation et de recrutement. Mais tout au contraire montre que c’est l’organisation bureaucratique qui produit de l’incompétence.

 

La plupart des travaux de recherche sur le management montrent que comme disait Pierre Rosanvallon[2] « la confiance est un économiseur d’institution ».

On peut rappeler ici comme le montre Eric Morel[3] qu’il y a moins de risque d’erreur de décision dans les hôpitaux comme dans le transport aérien quand on fait confiance aux opérateurs et qu’on autorise le personnel à participer aux décisions. Le contrôle est un poids mort dans les secteurs d’activité en tension ou il est nécessaire de développer une adaptabilité et une réactivité de tous les instants. Réinstaller les acteurs dans leur autorité est une des conditions de leur agilité et de leur santé professionnelle dans un environnement incertain comme dit le général Desportes[4] qui montre comment une institution a su par certains coté s’adapter dans ses modes d’action sous la pression de l’environnement.

Soigner le système de santé c’est d’abord et avant tout rétablir le personnel dans sa légitimité à décider de son organisation et de ses pratiques au quotidien.

Produire de l’engagement et de la compétence est une condition de la santé professionnelle d’une population fortement sollicitée comme le management ou les personnels de santé.

 

Organiser la transformation

 

Que ce soit pour relever l’économie d’un pays après une guerre ou relancer une entreprise en grande difficulté la stratégie employée a toujours été la même : faciliter l’engagement des acteurs en mettant en place une organisation responsabilisante et apprenante. C’est Toyota qui s’inspira des outils de la relance de l’industrie Américaine, c’est Solac Fos dans les années difficiles de l’aciérie Française. On pourrait ainsi multiplier les exemples des entreprises qui ont fait le choix de responsabiliser leurs salariés et qui ont su mettre en place des stratégies d’apprenance source d’engagement, d’adaptabilité et surtout d’efficience.

 

Des outils pour développer la co-responsabilité et l’engagement

 

Soigner la santé publique c’est rendre son organisation cohérente avec l’environnement. L’évolution rapide des techniques, l’émergence de changements rapide dans l’environnement dû à la mondialisation, le turn over des salariés, le déficit en compétence sont autant de facteurs qui ont conduit depuis déjà quelques années, les entreprises industrielles à mettre en place des stratégies leur permettant de faire face à un environnement complexe et incertain. On a vu, au travers de phénomènes de mode[5] comme l’entreprise « libérée », « agile »  ou « responsabilisante », émerger des tentatives balbutiantes de répondre aux enjeux de transformation d’un environnement complexe et incertain. Enjeux qui contraignent au développement de l’autodétermination des équipes et des individus et plus généralement à la délégation d’autorité.

 

L’organisation de la santé a tout intérêt à se doter de ces outils et techniques qui permettent à chacun de reprendre autorité sur son activité, développer la co-responsabilité, développer en continu les compétences collectives et individuelles. Prendre les bonnes décisions au bon niveau en toute responsabilité. Ainsi permettre à chacun de trouver sa juste place entre le désengagement souvent salvateur et l’engagement sacrificiel qui peut conduire au burn out.

 

Ces outils ont pour fonction d’organiser une dynamique de la coopération dans une situation complexe et incertaine sans qu’il soit besoin que la cohésion soit assurée par une tyrannie bureaucratique. Il s’agit bien de déplacer le barycentre de l’autorité dont la fonction est de produire de la cohésion. Cette cohésion vitale pour qu’un collectif fonctionne d’une manière efficace. Une cohésion assurée traditionnellement par la bureaucratie et ses règles intangibles. Une cohésion qui ne peut plus être garantie de cette manière dans un environnement incertain et complexe. Une cohésion d’ensemble qui ne peut être assurée que par la délégation de l’autorité et des compétences de régulation du collectif aux opérationnels.

La complexité et l’incertitude mettent les organisations devant la nécessité de revisiter la manière dont elles allouent l’autorité à ses acteurs.

 

 

[1] Comprendre le désengagement pour éclairer l'engagement au travail : une étude exploratoire des agents publics helvétiques :  https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_79275732AFC3.P001/REF

[2] Pierre Rosanvallon : la contre démocratie

[3] Eric Morel les décisions absurdes et comment les éviter.

[4] Gal Desportes : décider dans l’incertitude.

[5] Laurence Malherbe  Sur le chemin d’un management responsable et… libéré !

http://www.lettreducadre.fr/12694/sur-le-chemin-dun-management-responsable-et-libere/

 

 

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