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Les coaches : Les nouveaux travailleurs sociaux en entreprise ?

Les coaches :   Les nouveaux travailleurs sociaux en entreprise ?

Dans les années 70 on a vu émerger une nouvelle catégorie professionnelle correspondant à un nouveau besoin social: les animateurs socio-culturel. Sous le prétexte officiel de permettre l’accès à  la culture des publics défavorisés, ils étaient chargés d’assurer la paix sociale. Il avait pour fonction d’animer (ou peut être d’amuser ?) les publics en grande difficulté pour qu’ils ne pensent  pas trop à se révolter. Gardien de la paix sociale comme peuvent l’être les éducateurs de rue, ils ont toujours comme fonction de mettre de l’huile là ou les frottements sociaux risquent de faire des étincelles.

L’entreprise est aussi un espace de frottement. La tension devient de plus en plus grande dans l’entreprise et les frottements deviennent de plus en plus source d’étincelle et de souffrance.  Le développement et surtout la  banalisation du métier de coach[1]a radicalement transformé une pratique plutôt élitiste destinée au départ  à faire réfléchir des dirigeants à des prix très élevés. Jusque là le coach était une sorte de « sphinx gourou » une sorte de sage qui venait, pour un prix complètement prohibitif  déranger le dirigeant et éveiller sa conscience.

Puis sa banalisation est venue principalement par la mise sur le marché de quadra et quinqua dont l’entreprise ne voulait plus ou qui ne voulaient plus de l’entreprise, et qui trouvaient dans la pratique du coaching un moyen de parler à propos des choses plutôt que de les faire.

Cette banalisation s’est accompagnée d’une dévalorisation économique du métier de coach, en même temps d’un déplacement de la fonction.  Comme l’animateur socioculturel, le coach vient mettre de l’huile partout ou ça frotte. Le coach a perdu sa spécificité élitiste : On voit arriver sur le marché du coaching des personnes dont on se demande quand on les voit officier qui du client ou du coach traite l’autre ?

Les coaches se dotent d’outils de plus en plus nombreux à fonction d’amusement[2]comme par exemple l’ennéagramme ou la méditation. Les séminaires de formation au coaching se mettent à ressembler aux formations d’animateurs socioculturels. Plus que d’éclairer, le coach devient un amuseur dans le sens premier d’amuser : détourner le regard de ce qui est important.

Le coach devient une sorte de prestidigitateur qui escamote les problèmes de l’organisation en agissant sur les personnes. Ils deviennent une sorte de « casque bleue[3] » de l’entreprise offrant un « coussin compassionnel[4] » aux salariés en souffrance pour leur permettre de continuer à gérer les paradoxes et les double contraintes dans lesquels le travail les mets. Et généralement des personnes qui ne sont pas en situation de décider de leur sort mais qui souffrent quand même.  

Le coaching dans sa forme initiale est un outil très puissant. Comme tous les outils puissant il doit être utilisé avec un grand discernement : « à dose homéopathique ». User du coaching a outrance peut générer des problèmes inattendus un peu comme on peut le voir avec les antibiotiques : Les conséquences ne sont pas toujours mesurables  à court terme.

On peut toutes fois être alerté sur quelques problèmes à venir :

Le coaching est une démarche individuelle. L’expérience montre que lorsqu’on fait coacher l’ensemble des managers d’une même entreprise par  une armée de coach on atomise les relations interindividuelles. Chacun ayant un coach à qui parler, il ne ressent plus le besoin de parler avec ses collègues : il solde avec son coach son besoin de parler. Cette stratégie renforce l’individualisme au lieu de créer du collectif, de la communauté. Ce qui a tendance à servir les organisations pyramidales ou les individus sont en compétition plutôt que de générer l’esprit d’équipe. En acceptant le contrat d’agir sur les individus le coach participe de la division des acteurs et contribue à perpétuer l’idée que les problèmes de l’entreprise sont des problèmes d’individus et pas d’organisation.

En même temps l’émergence du coaching est un discours sur un besoin réel en entreprise : l’accompagnement On peut noter que l’accompagnement a tendance à remplacer la formation dans le développement du professionnalisme au travail. Le coach récupère par là la mission du formateur : contribuer au développement des compétences et du professionnalisme. Après avoir remplacé l’animateur socioculturel, le coach a tendance à remplacer le formateur.

Mais le coaching comme démarche individuelle contribue à interdire que de l’identité collective se créer. Or ce dont souffre le monde du travail, et l’entreprise en particulier c’est justement de la perte des collectifs. Comme le dit PY Gomez[5], l’organisation ne remplace pas la communauté. Je rajouterais que l’organisation comme palliatif à la communauté fini par l’empêcher

L’usage immodéré du coaching participe de l’atomisation des relations et contribue à interdire la communauté de se construire autour du travail.

Ce dont les acteurs de l’entreprise ont besoin, c’est plutôt de démarches qui les accompagnent collectivement pour les aider à se professionnaliser ensemble, reconstituer le collectif que générait l’esprit métier et qui s’est dilué avec la disparition relative de la notion de métiers dans l’entreprise actuelle. Dans l’entreprise en mutation, les métiers sont devenus protéiformes et les flous dans leurs limites ne permettent pas aisément aux individus de s’y référer pour affirmer une identité professionnelle.

Doit-on réinventer la notion de métier ou trouver des moyens de créer autrement de la communauté au travail et de l’identité professionnelle ? Mais c’est une autre question.

En tout cas il me semble nécessaire de redéfinir le coaching par rapport à sa mission première et de qualifier d’une manière distincte les différentes formes d’accompagnent, leurs intentions et les effets attendus et les espaces ou elles peuvent s’appliquer.


 

 

 

[1]Qui n’est pas coach de quelque chose de nos jours ?

[2]dans le sens premier du terme amusement : détourner l’attention.

[3]Selon l’expression d’ Yves Clot

[4]idem : Yves clot

[5]Pierre-Yves Gomez, Le travail invisible. Enquête sur une disparition, François Bourin Éditeur,

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