Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
denisbismuth.over-blog.com

Pour une taxonomie écologique

Pour une taxonomie écologique

La crise que nous vivons actuellement est une crise sanitaire en ce qu’elle consiste à lutter contre la menace d’un virus. Mais c’est d’abord et avant tout une crise de santé sociétale. Le degré de gravité de la crise sanitaire est déterminé autant par la viralité du Covid19 que par le mauvais état de la santé sociétale.

En effet, une conception néo libérale de la société a généré un état de santé sociétal critique (désengagement citoyen, chômage, crise agricole, état de santé dramatique des hôpitaux et des personnels hospitaliers etc..)

 

Dans la société industrielle, (au moins jusqu’à la crise écologique où on s’est rendu compte de la finitude des ressources et des effets de la production sur l’environnement), la valeur d’un bien était son coût de production, modulé de sa valeur d’échange (en fonction de l’offre et de la demande). Comme il n’y avait qu’à se baisser pour les ramasser, le prix des matières premières était à l’aune de l’effort pour les récolter. Les conséquences ne concernaient pas cette conception court-termiste de l’économie. On les laissait aux populations locales et aux générations futures.

On le voit pour le pétrole ou les matières premières comme par exemples les métaux rares dont le coût final est déterminé par le cout de son extraction auquel on ajoute les variations boursières de l’offre et de la demande.

Ce choix économique se heurte à la réalité de la finitude du monde et des ressources. Il arrive un moment ou les effets de la privatisation des profits et de la socialisation des risques et des couts devient insupportable[1]

La taxe carbone est la première étape d’une démarche qui cherche à réintroduire le cout écologique dans la définition de la valeur d’un bien.

Un état responsable et soucieux de la durabilité de ce dont il a la charge, devrait pouvoir rétablir l’échelle des valeurs des biens en tenant compte de conséquences de l’utilisation du bien. Ainsi la valeur d’un objet plastique jetable serait le cout de production et la valeur boursière additionnelle, augmenté du prix réel de son retraitement. La valeur d’une tonne de kérosène serait son prix de vente augmenté du cout de la dégradation environnemental.  La valeur d’une huile de palme augmentée du cout écologique rendrait sans doute tout à fait impossible son utilisation comme un agro-carburant.

Une telle démarche aurait surtout du sens, et de toute urgence, dans le traitement de la première source de vie et d’oxygène de la planète : La mer.

La fin de la pêche industrielle (40% de chaque prise rejetée et la destruction des fonds qui entraine l’anoxie du lieu), du rejet des déchets de l’exploitation des ressources gazières et pétrolière nous obligerait à une frugalité qui serait au service de notre santé sociale comme de notre santé individuelle.

 

Le covid 19 nous invite plutôt soudainement et violement, à re-questionner la taxonomie qui a fondé le monde industriel qui n’en finit pas de décliner. Il devient urgent de redéfinir une échelle de valeur des biens et du vivant qui tienne compte du contexte de dégradation des ressources que nous avons contribuer à créer.

Inventer une taxonomie écologique

L’Europe a lancé l’idée d’une « taxonomie verte » avec comme représentante en France Isabelle Autissier. Cette taxonomie verte propose d’orienter les investissements fait dans les énergies fossiles vers l’ économie verte.

La notion de taxonomie induit qu’on a une réflexion sur les valeurs et les critères d’évaluation d’un objet ou d’une pratique. On ne peut pas penser développer une taxonomie verte sans re-questionner les modes de calcul de la valeur économique des biens et des produits.

Il faut aller plus loin et développer une taxonomie écologique :

Dans notre économie héritée de l’ère industrielle ou les ressources étaient considérées comme sans limites, la valeur d’une production a toujours été déterminée par son coût de production  (extraction transformation) augmenté des variations qu’autorisent les lois de l’offre et de la demande 

Mais nous avons atteint les limites des ressources qui s’épuisent. La valeur d’un produit ne peut plus être conditionné par sa valeur de production, mais il est nécessaire d’y ajouter le cout de sa reproduction ou de son effet sur l’équilibre écologique de sa production (recyclage, effet sur l’environnement) et sa reproductibilité.

 

De la reproductibilité  

La valeur d’une ressource en temps de pénurie est fortement liée à la possibilité qu’elle se reproduise et les habitants de l’ile de Pâques comme ceux de l’ile de nauru[2] en ont fait l’amère expérience. S’il a fallu quelques milliers d’années pour que le guano se transforme en phosphate exploitable, quelle est la valeur de ce phosphate si on y ajoute un coefficient de reproductibilité ?

A titre d’exemple, les eaux de surface issues de la pluie ayant une reproductibilité rapide on peut considérer que sa valeur pourra ne pas être beaucoup indexée. Par contre les eaux de profondeur ayant un taux de renouvellement de plusieurs milliers d’année devrait être indexée d’un coéfficient fonction de la reproductibilité. De la même manière un sapin des Landes dont la pousse est rapide pourra être indexé plus légèrement qu’un arbre centenaire bois précieux dont la reproductibilité est très lente devrait être fortement indexé. Il est particulièrement irraisonné de voir dans nos jardineries à des prix ridiculement bas (voire insultant pour les indigènes spoliés ) des meubles de jardin fait à partir de bois à la pousse lente et donc à la reproductibilité plus lente.

Une des missions d’un état responsable serait de travailler à la définition d’un coefficient de reproductibilité qui, comme la taxe carbone, viendrait  indexer la valeur et donc le prix des produits industriels et de leur commercialisation. Ce serait un moyen pour l’état de retrouver sa mission : Situer l’économie dans une temporalité plus grande que l’intérêt privé qui est dans une temporalité plus immédiate.

A moyen terme le rôle de l’état est de peser sur le système de valeur qui régit notre société pour le mettre au service du bien commun. Au cours de ces dernières décennies on a tenté d’appliqué à ce qui régit et produit les biens communs le même système de valeur que celui qui régit la production de biens privés : on tente de rendre l’hôpital productif en appliquant les règles du privé tout ayant des exigences de service publique. De la même manière on incite la recherche à s’autofinancer, on privatise la production de biens communs comme l’énergie tout en leur donnant une mission de service publique.

 

 

 

Vers des Industries de reconversion et d’inclusion qui soient durables.

`

Fou celui qui croit qu’il devient riche

parce qu’il vend les pierres de sa maison

 

Comme on l’a vu pour la crise de 1929, les stratégies de sortie de crise ont toujours été fondées sur l’investissement dans des industries créatrices d’emploi et source de richesse. On fait marcher la planche à billet pour pouvoir remettre au travail le plus possible de gens, parfois d’une manière artificielle (l’empire state building a été inauguré au début de 1930). Tant que les ressources naturelles semblaient inépuisables on pouvait investir pour cela dans des industries très grandes consommatrices de ressources comme l’automobile et le bâtiment sans se poser la question de la ressource. Cette manière « schumpéterienne » de doper l’économie avait comme n’importe quelle drogue un effet de coup de fouet sur l’économie tout en ayant un même type d’effet négatif sur la santé de l’environnement et des ressources.  Le shoot économique qui consiste à relancer artificiellement l’économie a des effets désastreux sur l’environnement et ses ressources, mais on ne s’en préoccupait pas vraiment.

 

Ce n’est plus le cas et le maintien de la cohésion sociale ne peut plus se faire au détriment des ressources naturelles.

 

Passer d’un modèle Schumpetérien de création destructrice à un modèle de création régénérative.

 

Les axes de reconstruction vont plutôt être autour de:

 

- Reconstruire la biodiversité, la sociodiversité et l’autosuffisance alimentaire et énergétique.

 

- Favoriser les productions locales reconstructrice de ressource et non plus épuisante des ressources. Sources d’énergie individuelles et locales production alimentaire de proximité et biologique: cette stratégie répond à deux préoccupations essentielles:

 

- Reconstruire de la santé sociétale en reconstruisant du lien sociale par le développement des activités à l’échelle humaine. Favoriser les interdépendances locale sources de santé sociétale[3].

 

Il est nécessaire de sortir d’une conception de l’enrichissement  qui soit prédatrice des ressources. Pour cela, l’enrichissement doit se mesurer par autre chose que l’accumulation de bien. Produire ce n’est plus seulement produire des biens, mais aussi produire du bien être sociétal qui n’épuise plus les ressources.

Pour cela il est nécessaire que les valeurs qui mesurent et guident les projets de développement ne soient pas seulement financière.(PIB bourse agence de notation etc..)

 

 

 

 

 

Pour une économie régénérative

 

En finir avec la zonification et la spécialisation des espaces et des activités.

 

Certes il est nécessaire de spécialiser des espaces pour produire en masse. Mais quand les champs de blé se transforment en un « désert vert » de centaines d’hectares maintenu artificiellement à coup de produit « phyto insanitaire » on perd en reproductivité à long terme ce que l’on croit gagner en productivité à court terme. De la même façon, la spécialisation des espaces sociaux en zone (commerciale, artisanale, industrielle et cités dortoir) a un coût individuel important en mobilité individuelle (voiture temps de transport etc). Au-delà du cout économique ce choix d’organisation a aussi un cout social important en matière de désengagement démocratique car il crée de l’isolement et favorise la  montée des intolérances et de l’extrémisme. Sortir du désert démocratique suppose de réensemencer l’engagement citoyen. L’erreur est de croire que la démocratie est présente dès qu’il y a  des élections libres. En réalité l’élection n’est que le moyen d’organiser et réguler l’engagement des individus dans une démarche collective. L’élection s’enracine dans un engagement actif des citoyens dans la vie économique.  Sans engagement citoyen les élections conduisent aussi à la tyrannie. Le peu d’intérêt  des Français pour les élections n’est que l’observable du désengagement citoyen. Un désengagement qui s’explique par l’assèchement des relations de proximité et des relations symbiotiques[4] ou saprophitiques[5]. On peut vivre sans connaitre son voisin parce qu’on n’a pas besoin de lui et qu’on a aucune raison d’etre dans un échange avec lui.

 

Ce serait une erreur de tenter de reconstruire ce qui a rendu possible la zonification à outrance de la société : l’hyper mobilité, aérienne, marine, terrestre et l’hypercommunication digitalisée. Il serait plus utile et plus sécurisé d’investir dans la reconstruction d’une socio diversité source de régénération économique mais surtout d’engagement social. La diversité est la garanti d’un équilibre de la dynamique systémique du vivant

Elle est aussi la condition nécessaire pour assurer la reproductibilité du vivant. On sait que la monoculture industrielle épuise les sols en interdisant la régénération des sols. Réinstaller la diversité est une condition nécessaire pour assurer une productivité durable qui prend en compte la nécessité de la reproduction[6]. La socio-diversité peut favoriser la réinstallation les conditions de l’intégration : petite industrie, artisanat, services publiques et sociaux etc.. 

 

 

 

 

Réinstaller de la diversité dans les modes de production et de distribution.

 Autrement dit, conditionner l’investissement dans l’industrie à la reproductibilité :

- N’investir dans les industries épuisant les ressources comme l’industrie agricole[7] qu’à la condition de compenser par la mise en jachère d’espace de ressourcement équivalents.

- Investir dans des secteurs de reconstruction du lien social et des ressources : l’inclusion par la réparation: isolation des bâtiments recyclage des matières premières, l’agriculture raisonnée et diversifiée, privilégier la production locale sur les grandes centres de production et de distribution. Saisir l’opportunité de cette relance de l’économie regénérative en investissant dans la formation des exclus et des laissés pour compte de la société numérique.

 

 

 

Développer l’agriculture urbaine.

Les actions d’agriculture urbaine n’ont pas réellement pour vocation de nourrir la population car elles ne peuvent répondre qu’à quelques pourcentages des besoins. Mais elles ont une fonction de régénération de la biodiversité et de la socio-diversité[8]. Reconstruire des relations interpersonnelles qui ne sont pas gérée par des considérations financières et qui ancrent les personnes et réensemence l’esprit d’engagement dans le désert démocratique actuel. Un désert démocratique favorisant l’émergence de prédateurs politiques faute de socio diversité.

 

 

 

La mission d’un état responsable est de définir la valeur des biens produit non pas en fonction de critères de rentabilité immédiate, mais en intégrant dans la définition de la valeur, les dimensions de temporalité  qui dépassent les critères de rentabilité immédiate.

de réorienter les flux d’énergie et donc les flux économiques prioritairement en direction des actions qui sont au service du bien commun et en réponse aux problèmes que la crise de santé sociétale a pu générer.

 

L’état ne peut pas se dédouaner de faillir de ses missions régulatrices en distribuant de l’argent qu’il n’a pas. Plutôt que de faire l’aumône aux entreprises de réduction de charge il se doit de les impliquer dans leur fonction de reproduction des compétences professionnelles autrement qu’en offrant des compensations financières. La fonction de l’état est d’installer un système de formation continue qui soit partagé comme il a installé un système partagé de formation initiale qu’est l’éducation nationale.

 

- Relancer la formation des moins qualifiés pour assurer leur insertion par le travail. On peut pour cela profiter des opportunités d’innovation de l’économie circulaire. On peut aussi venir en soutien de l’agriculture biologique et de la création de milliers d’emploi dans ce domaine. Cette promotion de l’agriculture biologique aurait sans doute des effets sur la santé des consommateurs qui génèrerait des économies substantielles de frais de santé.

- Relancer la formation continue des acteurs de l’entreprise par les démarches du type « Entreprise Apprenante » pour générer une circulation dans l’emploi qui favorise la résorption du chômage.

- Impliquer les entreprises dans la mise en place de process de formation en situation de travail.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Comme le dit Noam Chomsky “a basic principle of modern state capitalism is that cost and risks are socialized to the extend possible, while profits are privatized”. Un principe de base d’un état capitaliste moderne est que les couts et les risques sont socialisés autant que possible pendant que les profits sont privatisés.

[2] Histoire de Nauru wikipedia

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=7&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiI1Yzsr5DpAhVL4YUKHW93C6AQFjAGegQIBBAB&url=https%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FHistoire_de_Nauru&usg=AOvVaw2Xrd4g23OIMENWGSN_2MgN

[3]  La santé selon l’OMS est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. 

 

[4] Symbiose est un terme signifiant «vivre ensemble». Il décrit  une relation écologique entre deux organismes d'espèces différentes qui sont en contact direct l'un avec l'autre. Chacun des deux organismes est appelé symbionte ou symbiote. Il existe plusieurs types de relations symbiotiques :Le mutualisme : (les deux symbiontes tirent profit de la situation), Le commensalisme : (un des deux symbiotes tire un avantage de la relation, sans nuire ni favoriser l'autre organisme), Le parasitisme : (un seul organisme tire profit de la situation et vit aux dépens de son hôte).  In :https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/nature-symbiose-260/

 

[5] Qu’une espèce animale se nourrisse des déchets d’une autre, ça s’appelle le saprophytisme. 

 

[6] Diversité productivité et reproductivité  http://denisbismuth.over-blog.com/2019/05/diversite-productivite-et-reproductivite.html

 

[8] Sociodiversité et durabilité   http://denisbismuth.over-blog.com/2020/01/sociodiversite-et-durabilite.html

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article