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Écologie industrie et prédation

 

 

 

Il n’y a pas de « mauvaise herbe » il n’y a que de la vie qui se présente sous une forme qui ne nous intéresse pas (du moins pour l’instant !)

 

La particularité de la société industrielle est d'éliminer les espaces de ressourcement informels auxquels elle n’accorde pas d’intérêt immédiat. Sa stratégie de contrôle des activités sur des critères de rentabilité immédiates lui fait occulter ce qui ne lui parait pas produire. Mais certaines activités ou « non-activités » produisent des effets non mesurables et néanmoins tout à fait indispensables. 

Le bousier et les bactéries et les champignons sont tout aussi indispensable pour le cycle de reproduction de la nature que peut l'être le cantonnier et le boulanger qui au-delà de la fonction économique ont une fonction informelle et non contrôlable par l’industrie comme par exemple assurer le lien de socialisation des enfants, les aider à se faire une représentation de ce qu’est etre un adulte socialisé, avoir un modèle ou un contre modèle de ce qu’il veut faire de sa vie etc….

Autant d’éléments informels et incontrôlables qui participent à la reproduction de la société d’une manière silencieuse et invisible.

Ce qui est un problème c'est que les décideurs de l'industrialisation de la société s’arrogent le droit de décider ce qui est utile ou ce qui ne l'est pas. et ils le décident d'un point de vue de critères financiers et économiques.

La toute-puissance des critères financiers épuise les mécanismes de reproduction/ ressourcement « naturels » et mettent en danger l’intégralité des sociétés.

 

La question de la durabilité de la vie de l’homme sur terre se pose actuellement.

 

On peut faire l’hypothèse qu’il y a un lien direct entre la surpopulation et le risque d’explosion sociale. Mais cette hypothèse n’est pas la seule possible.

Est-ce que la crise que nous vivons est une question de quantité d’intervention de l’homme sur la nature ou de qualité des interventions ? la même pression avec la prise en compte de la nécessité de la reproduction de la nature aurait-elle des conséquences aussi désastreuses.

On peut se demander collectivement si au fond la question n’est pas tout simplement de trouver un modèle économique basée sur d’autres critères que la rentabilité financière qui permettrait de sortir du modèle : ce qui n’a pas de valeur pour nous peut être détruit. On a vu récemment le président Brésilien déclarer que les indiens d’Amazonie ne servaient à rien et qu’il était plus intéressant de faire pousser du soja là où la forêt existe et ne rapporte rien. Le modèle économique capitaliste hérité des siècles ou l’on n’imaginait pas que les ressources pouvaient avoir des limites nous a amené à construire un modèle qui autorise de laisser exister ce qui nous intéresse et à détruire ce qui ne nous intéresse pas. Grace aux insecticides grâce à l’énergie qui permet de détruire les forêts, grâce à la mutation génétique contrôlée, les antibiotiques, cette capacité de choisir qui a le droit de vivre et qui n’a pas le droit de vivre a eu un effet de stimulation de la croissance démographique.

Mais la société des hommes ne perçoit son intérêt que sur du court terme sans avoir les moyens d’en mesurer les conséquences. Personne n’aurait pu dans les premiers temps d’utilisation du DDT, imaginer son effet de leurre hormonal et les conséquences sur la fertilité des hommes.

 

Globalement ce qui est un problème ce n’est pas seulement que l’homme ait élaboré les moyens de produire toujours plus. Le problème est que la technologie moderne a donné les moyens aux hommes d’aller au bout de l’idéologie judéo-chrétienne qui se fonde sur deux principes : la terre appartient à l’homme. La nature est au service de l’homme qui travaille à la gloire de Dieu. Et pour cela il peut croitre et multiplier sans limite.

cette idéologie a fait de la nature une somme d'objets au service de la mission de l'homme

Cette auto-légitimation qui a fait que les sociétés humaines se sont arrogé le droit de choisir ce qui doit vivre ou pas, a autorisé les sociétés à détruire indistinctement ce qui ne lui apparaissait pas utile selon ses critères. Si un paysan s’autorisait à détruire des parcelles de forêt il savait que jusqu’à un certain point des éléments de la nature même s’il ne lui était pas utile tout de suite, avait leur place à moyen long terme pour servir son intérêt. Le lombric ne me sert à rien immédiatement mais on sait son utilité à moyen/long terme. Ses capacités de destruction et ses critères de choix de ce qui devait survivre ne mettait pas en danger la chaine de ressourcement de la nature. La puissance de l’industrie et son incapacité à avoir d’autres critères de choix que des critères financiers met en danger la chaine de ressourcement de la nature.

On voit bien comment la chaine de ressourcement est mise en danger par le manque de critère de choix alternatifs avec la question des abeilles. Même avec les preuves les plus évidentes de ce danger de briser la chaine de ressourcement, les états sont incapables de remettre en cause un critère financier. Il reste plus juste de produire du mais moins chère que de laisser exister les abeilles. Ce n’est même pas une question de connaissance. C’est seulement une question de choix de critère.

 

Quand une économie de production devient une économie de prédation.

 

Il existe deux niveaux de prédation :

 

Prédation de niveau 1

 

Pendant des siècles et des millénaires la nature a élaboré sur sa surface et dans la mer un terreau de vie constitué d’interaction entre des éléments en compétition et dont la mort constituait le terreau de la vie suivante. Le tout était en équilibre dynamique dans une diversité toujours en mouvement. Les vivants se nourrissaient des produits de ce système tout en y contribuant avec ses déchets et ses morts.  L’économie était une économie de prédation dans la mesure ou, par opposition à l’économie agricole, les vivants prélevaient sans se soucier de reproduire. Mais, la contribution du prédateur était incluse dans ce cycle, et cela ne représentait pas un risque.  Dans un certain sens l’économie de prédation des chasseurs cueilleurs ne nécessitait pas qu’ils pensent produire. La prédation ne touchait pas la capacité du vivant à se régénérer. On pourrait dire que c’est une prédation de surface. Une prédation sur l’excédent : on prend le fruit sans couper l’arbre. On a ainsi opposé économie de prédation et économie de production. La production semblait alors un progrès par rapport à la prédation.

Mais en fait cette notion de production n’a été progrès que   tant qu’elle ne mettait pas en danger les possibilités de ressourcement de la nature.

La prédation n’est pas un problème tant qu’elle ne prend que ce qui dépasse : les fruits pas l’arbre. L’agriculture n’est pas un problème tant qu’elle ne met pas en danger la possibilité de régénération de l’environnement.

 

La prédation de niveau 2 :

La prédation de la diversité dans sa fonction de reproductibilité

 

L’arrivée de l’agriculture a modifié ce processus. Cultiver c’était se donner les moyens de développer des aliments choisis sans avoir besoin de les chercher et sans avoir   besoin de se déplacer pour les trouver.  L’agriculture a fait figure d’innovation protectrice de la nature puisque que cela évitait la prédation. C’est encore un peu ce que l’on croit encore avec l’aquaculture quand on n’y regarde pas de trop près.

L’agriculture se servait de ce support élaboré pendant des millénaires pour sélectionner ce que les hommes choisissaient de consommer. La culture et la science naissante donnaient aux hommes la possibilité de faire des choix sans dépendre de la nature. Mais ils n’avaient pas encore les moyens de faire des choix contre la nature. Et dans une certaine mesure ils n’étaient pas assez puissants pour que leurs pratiques ne remettent   en question leur contribution au cycle du maintien de ce terreau qui nourrit toutes les vies. Les premières déforestations du moyen âge étaient un premier signe encore trop faible d’une pratique dangereuse.

Le pétrole a donné aux hommes une surpuissance qui leur a donné les moyens d’augmenter leur capacité à faire des choix, au début hors de la dépendance à la nature et puis ensuite contre la nature. La conséquence de cette puissance la prédation de surface est devenu une prédation sur le terreau, sur la source du vivant. La pollution des sols et de l’air, la déforestation des forêts primaires, l’exploitation de la mer sont les images les plus visibles de cette prédation en profondeur. Nous devons considérer que nous ne sommes pas des civilisations de culture mais de prédation.

Jusqu’aujourd’hui nous n’avons pas d’outil de mesure qui permette de quantifier la limite à partir de laquelle la prédation est dangereuse. Le seuil à partir duquel ce qu’on prélève met en danger la source du prélèvement. Tant que nous n’avions pas la puissance nécessaire cela n’avait pas d’importance. Mais notre puissance nous condamne à inventer les outils qui nous donnent les limites que nous devons nous imposer. La limite est peut-être la définition du degré de reproductibilité d’une ressource ? La valeur d’une ressource ne peut plus être défini par son cout de prélèvement et les lois du marché. A ces critères peuvent se rajouter une variable nécessaire, la reproductibilité : le pétrole met plusieurs milliers d’année à se reproduire et donc sa valeur écologique doit être déterminée par ce seuil de reproductibilité. L’eau d’une nappe phréatique met des milliers d’année à se reproduire elle n’a donc pas la même valeur qu’une eau de surface qui se reproduit annuellement. On peut voir avec une telle démarche que se réajuste la valeur des choses, non plus d’un point de vue purement économiste primaire, mais plutôt d’un point de vue écologique.

Le prix de l’aluminium ne peut pas se contenter d’être seulement le prix de son extraction modulé par le prix du marché. Il doit être défini par le cout de sa production une fois qu’on s’est donné les moyens de ne pas influencer sur les fleuves les forêts et plus généralement l’environnement. Du coup nos sociétés risques d’être moins facilement nanties. (Ça va faire augmenter sacrément le prix de mes jantes alu tout ça !)

Ce serait un peu la fin du gâchis et de la société de consommation mais comme elle ne nous a pas rendu heureux on devrait pouvoir s’en remettre.

 

La richesse produit de la misère parce que le désir d’accumuler pour se rassurer met les humains en compétition et donc les séparent. La pauvreté non.

Plus on est riche moins on est obligé d’avoir des relation de solidarité. Quand les paysans d’avant le 20ième siècle développaient des relations de solidarité pour les moissons ou pour tous les actes de la vie, ce n’était pas par bel esprit, mais parce qu’ils n’avaient pas le choix. Les relations inter individuelles ne vont pas tant que cela de soi. La solidarité est une nécessité de population dépourvue de moyen. Quand le paysan a eu les moyens de se payer ses machines ce fût la fin des relations de solidarité et tous les rituels culturels qui s’étaient construit autour. La fin de la reproduction de ce terreau de la socialisation. Le manque de moyen produit de la solidarité et oblige aux relations sociales.  La pauvreté oblige à la relation solidaire.


 

 

De la société industrielle à l’industrialisation du social

 

Cette prédation de deuxième niveau se retrouve aussi dans ce qui fonde le vivant social : les relations.

Les cultures des sociétés se sont constituées pendant des millénaires ; pendant des millénaires les hommes ont élaboré, Par des milliards d’interactions sociales, les ingrédients du terreau de la reproduction de leur culture et de leur épanouissement. L’industrie sous sa forme actuelle détruit en le consommant l’équilibre écologique qu’avaient produit ces interactions.

La reproduction de la vie de sa forme la plus primitive à  sa forme la plus complexe repose sur l’échange entre des systèmes en compétition et en coopération. Une relation symbiotique hôte/parasite qui est basée sur une relation gagnant/gagnant pour chaque espèce mais pas forcément pour les individus.

Supprimer les espaces d’échange supprime la vie dans sa capacité à se reproduire.

Supprimer les forêt c’est supprimer la capacité de reproduire l’humus.

En créant des zones de travail, distinctes des zones d’habitation et des zones de loisirs, on pense faire des économies ; ce qui d’un point de vue purement financier est réel. Acheter ses meubles chez un commerçant de quartier peut sembler de nos jours tout à fait incongru, voire impossible. Il faut aller dans la zone prévue à cet effet. Mais cette spécialisation des zones a détruit la biodiversité sociale qui rendait possible la socialisation des individus. On a spécialisé les zones en créant des zones d’habitation pour les riches et d’autre pour les pauvres.  Depuis longtemps les gestionnaires des villes ont conscience de ce problème, mais leurs tentatives de mélanger les populations artificiellement, a été un échec. Mais c’est normal  ces populations n’ont plus rien à faire ensemble ! avant les pauvres travaillaient chez les riches, ils avaient donc une bonne raison de vivre à leur coté ; mais ce n’est plus le cas. On assiste à une prédation de deuxième niveau du terreau des relations sociales : la nécessité de vivre ensemble et d’avoir des relations sociales.  Pour l’instant, comme pour la terre, tant qu’il reste du terreau on a l’impression que cela n’empêche pas la vie sociale, mais ce terreau qui a mis des milliers d’années à se constituer s’épuise rapidement. c’est parce que la bio masse de l’humus de la Beauce n’est pas encore complètement déstructuré qu’on peut encore cultiver, mais il faut rajouter de plus en plus  d’engrais dans un terreau malade.

C’est parce qu’il existe encore un reste de socialisation issue de pratiques encore relativement récentes que la violence des banlieues peut encore être contenu avec quelques uniformes.

 

En dehors de l’équilibre alimentaire, ce qui produit de la longévité humaine c’est la quantité de relation humaine.  Parce que l’homme est avant tout un etre social, le terreau de son épanouissement c’est la relation. On a montré qu’à alimentation et qualité de vie égales, ce qui faisait qu’une population vivait plus longtemps qu’une autre c’était la quantité d’échanges interindividuels la capacité à nouer des relations sociales à rencontrer l’autre, à s’entraider.

Nous avons franchi le seuil où le moyen d’augmenter l’espérance de vie pouvait reposer sur « plus de médicaments » et « plus de moyens ». Ça on sait faire surtout dans les pays riches. Mais on se rend compte que la courbe de l’espérance de vie s’infléchie dans les pays riche. Ce qui va nous permettre de reprendre la marche de l’augmentation de l’espérance de vie c’est le développement des relations et du partage mais sur plus de relations inter individuelles.  Cette aspiration à la pauvreté et à la solidarité n’a rien de romantique ou de spirituel. C’est juste le discours d’un égoïste lucide.

 

De la même manière que l’industrie se nourrit de la biodiversité en la détruisant, elle ne nourrit de la socio-diversité en la détruisant.

 

De la même manière pour le travail.

Supprimer les espaces d’échange informels supprime la reproductibilité de la force de travail

Le terreau de la reproduction des forces de travail est entrain de s’épuiser et l’entreprise ne sait pas encore à quel point elle dépend de ce terreau qu’elle détruit.

L’industrie détruit ce que les hommes ont mit des siècles à construire : la capacité à reproduire et transmettre leur capacités de travail. En cherchant à contrôler et réduire les couts industriels l’entreprise ne fait que faire des économies d’un point de vue financier.  Mais en réalité  l’économie qu’elle fait en réduisant les coûts, elle le fait sur la capacité d’une population à régénérer le terreau de sa compétence. Quand on regarde comment vivaient les paysans, les commerçants, les artisans des villages, on peut noter qu’ils étaient tout à fait peu rentables d’un point de vue financier, mais ils remplissaient un certain nombre de fonctions cachées qui contribuaient à reproduire le terreau du travailler ensemble.  Quand le gamin se faisait trois sous en livrant des marchandises  après l’école, il ne faisait pas que gagner des sous, ils structurait sa capacité à définir et conduire un projet professionnel en se confrontant à des règles des attentes un système contribution/ rétribution. Le gamin des cités qui n’a jamais vu son père travailler il ne structure rien du tout et les démarches sociales qui tentent à grand cout de millions d’euro de proposer un accompagnent au projet professionnel n’ont aucun effet sur celui qui n’a pas contribué d’une manière ou d’une autre à constituer ce terreau de la capacité à travailler   . Quand le vieux dans son coin tentait de survivre en continuant à servir à quelque chose à sa famille il faisait perdurer sa raison sociale autant que possible. Et je ne suis pas sur que sa souffrance ait été plus grande que celle de nos vieux dans les mouroirs actuels : sans raison sociale sans sollicitations à continuer à exister sans intérêt pour personne. Qu’il soit jeune ou vieux l’humain avance quand il est poussé par la nécessité. Supprimer la nécessité c’est l’empêcher de vivre.

En cherchant à contrôler l’ensemble des interactions et à choisir celle qu’elle pense etre utile ou pas l’entreprise détruit ce terreau.

La reproduction de ce terreau se fait dans toutes ces petites interactions qui n’ont l’air de rien mais qui contribue à la vie. On sait depuis longtemps dans les entreprises que c’est à la machine à café qu’il faut être pour savoir ce qui est important. Mais on sait aussi que si on essaye de contrôler la machine à café il ne s’y passe plus rien.

L’inventivité la production et la reproduction des forces de travail pousse souvent d’une manière invisible et incontrôlable  dans les interstices des relations sociales.

La finance rend l’industrie prédatrice de ce terreau. Parce qu’elle cherche à le contrôler pour lui faire faire quelque chose de précis. De la même manière qu’il est difficile de contrôler les ingrédients d’une biomasse il est tout à fait impossible de contrôler ce qui produit de la socialisation.

 

De la même manière que le gain financier de l’industrie agroalimentaire se fait au détriment de la reproduction de ce terreau,( voir  notre incapacité à interdire les poisons phytosanitaires qui ont un cout à moyen terme des milliers de fois supérieur à ce qu’ils rapportent) le gain financier de l’entreprise se fait sur la force de reproduction des acteurs de l’entreprise. La finance transforme en argent la force de reproduction qui a permis de développer l’entreprise.

C’est un cycle bien connu lorsqu’une PME innovante se fait racheter par un grand groupe ou un financier, la démarche de contrôle mise en place détruit peu à peu les forces vives de cette entreprise qui perd ainsi toute sa vitalité.

De la même manière l’organisation sociale en recherche de rentabilité détruit le terreau socialisant que sont les relations interindividuelles.

Une question : qu’est ce qui coute le moins cher : un engin de chantier qui creuse un trou en une journée ? ou une cohorte d’ ouvrier qui creusent le même trou en quinze jours ?

D’un point de vue financier c’est évidemment la première solution. Mais pour les chômeurs qui regardent le trou se creuser tout seul en se demandant pourquoi ils existent, pendant qu’il est  observé par leurs enfants qui modélisent un père qui ne sert à rien, on peut se poser la question. C’est comme le régent pour les abeilles : on ne peut pas s’empêcher d’en faire l’usage tout en sachant vers quel néant cela peut nous conduire.

 

Le soucis d’économie basé sur des critères financiers dévalorise tout ce qui n’est pas contrôlé et contrôlable.  Discuter avec mon boucher est un temps perdu non contrôlable. Mais cette relation informelle rempli une fonction sociale importante sur laquelle une littérature importante existe.

Avoir crée des zones commerciales ou plus généralement des zones dédiées détruit la diversité et supprime la dynamique systémique de la confrontation et de la concurrence.

Le vrai progrès vit dans les interstice de l’institué.

 

Industrie et contrôle

 

L’industrie a du mal à  laisser exister des mécanismes incontrôlés. Ce n’est pas concevable. Où tout du moins ce sont des faits à combattre. Depuis toujours l’industrie s’approprie le savoir faire intuitif et informel pour le mettre dans un cadre de contrôle. L’objectif de rentabilité est de séparer ce qui est rentable de ce qui n’est pas immédiatement utile. Or ce qui n’est pas rentable à court terme n’est pas forcément inutile. Les ressources de ce qui est rentable sont dans ce qui est apparemment inutile. Ce choix qu’on voit se développer actuellement sous l’imposture du partage de best practice (le fait de le dire en anglais laisse moins apparaître le coté ridicule) n’en est qu’une des formes actuelles. La pire étant l’usurpation des acquis de la psychologie du travail pour aller le plus loin possible dans le contrôle de l’activité. Malheureusement ces stratégies n’ont  comme effet que d’inhiber la créativité du travail et de le détruire à plus ou moins court terme.

Quand on essaye de le contrôler l’acteur réinvente en marge du contrôle un fonctionnement privé. Ce qu’il réinvente est par définition en décalage avec ce que l’on a tenté de contrôler.

Si l’acteur ne venait en entreprise que pour produire le plus possible et pour ramasser le plus possible d’argent cette stratégie pourrait avoir un peu de sens. Mais en fait l’efficacité de l’acteur s’appuie sur d’autres leviers que l’appât du gain (et loin s’en faut quand on voit les salaires). Chacun d’entre nous vient travailler pour se réaliser. Se rendre réel au travers de ce qu’il fait. Au travers de ce qu’il fait l’acteur se reconnaît et peut construire une certaine considération pour lui. Au travers de sa raison sociale, il construit -j’oserai un gros mot – une certaine forme d’amour de soi.

L’activité sociale sert aussi à satisfaire un désir, un besoin effréné, d’appartenance. Chacun d’entre nous n’existe que par rapport au collectif. Même ceux qui pensent être marginaux. Même la marge est sur la page. Il n’y a pas plus dépendant du collectif que les plus marginaux. Ce n’est qu’une forme d’appartenance moins contributive et plutôt autodestructive. On voit bien la souffrance des exclus du travail. Même ceux qui vivaient des conditions de travail infernales  sont dans un enfer plus grand encore une fois hors du collectif de travail.

Appartenir à un collectif et avoir le sentiment d’y contribuer est bien le moteur premier de l’engagement des personnes.

L’engagement identitaire dans un collectif satisfait les deux besoins essentiels de l’être humain : amour et sécurité. Tout le reste n’est que déclinaison de ces deux besoins.

On notera que les suicides en entreprise ne touchent pas les moins engagés en terme identitaire. Celui qui est venu juste pour profiter du système et repart exister ailleurs, n’est pas touché. Ceux qui sont touché par les risques psychosociaux ce sont d’abord ceux qui essayent désespérément d’exister dans un collectif, d’une manière qui n’intéresse plus le collectif.

N’ayant pas d’autres façons d’essayer d’exister ils font encore plus de la même chose. A cette surenchère le collectif répond toujours par un non retour d’appartenance. La rupture vient en général de l’épuisement de l’engagement identitaire de la personne.

La désindustrialisation de la France a des causes multiples. Mais il en est une qu’on aurait pu éviter : Dans les années 70 et 80 le patronat français dans son arrogante naïveté déclarait rêver d’une France qui pense et qui invente sans se salir les mains et qui fait du tiers monde son atelier. Le rêve se réalise et devient cauchemar. Comme si l’on pouvait croire que on peut avoir un espace où l’on pense et un espace où l’on exécute ! Avoir défait le tissu des toutes petites entreprise au profit des grandes industries c’est comme  détruire une foret pour créer des déserts verts que sont les hectares de blé ou de soja. C’est détruire tout ce qui porte d’une manière informelle le ressourcement du collectif. Comme si l’on pouvait croire que le tiers monde exécuterait sans réfléchir sans s’approprier le droit d’inventer ! Comme si l’on pouvait croire qu’on pourrait maintenir notre système social sans son tissu et ses micro-relations informelles.

Le terreau du travail c’est le désir d’appartenance et l’engagement identitaire qui est le seul contre poids de l’égoïsme, de l’avidité et de la peur.

 L’attitude prédatrice de l’industrie est la même pour le terreau né de milliard d’années d’échange dans un système complexe que sont les forêts que pour le terreau qui est le sentiment d’appartenance et d’identité qui fonde la société des hommes. On voit bien que crée des zones spécialisées pour le travail le logement et la consommation centraliser les activités, a eu comme effet de détruire les relations sociales qui structure l’appartenance.

Et la société

Supprimer les espaces d’échanges de proximité supprime la reproductibilité de la socialisation

Plus que le problème de la société industrielle, ce qui me semble être un vrai problème c’est l’industrialisation de la société. C’est à dire la volonté de soumettre à son désir en les transformant les mécanismes de régulation d’un système quitte à le mettre en danger.

Le terreau de l’appartenance

Cette appartenance est le terreau de l’engagement sociale est la condition de la durabilité de la société.

De la même manière que l’industrialisation met en danger la chaine alimentaire et l’équilibre de la compétition entre espèces, l’industrialisation de la société détruit les chaines de socialisation et met en danger l’équilibre de la compétition entre classes sociales. Sans vouloir romantiser ou faire du Zola, quand une personne pauvre vivait en proximité de la personne riche au service de laquelle elle était, les échanges étaient obligatoires et les enfants se construisaient dans le lien avec le reste de la société. L’enfant pouvait au quotidien, sans forcément le parler, faire l’expérience de la place qui allait devenir la sienne dans la société. Reproduire ses parents ? aller ailleurs ? se révolter ? quel que soit son choix de vie il le construisait en se frottant au quotidien à la réalité des différentes classes sociales.

Par exemple : en créant par soucis de rentabilité des espaces dédiés à l’habitation, au commerce, au travail, on interdit aux enfants de construire un projet personnel en ne leur permettant pas de voir vivre autour d’eux les différentes formes de raisons sociales. Quand on essaye désespérément depuis des années de mixer les populations de classes différentes dans certains quartiers on crée plus de problème qu’on en résout.

Un enfant de milieu défavorisé dans un environnement aisé ne peut pas construire de relations sociales saines et fructueuses avec les enfants de l’environnement. Il vit dans le quartier riche mais privé de tous liens si les parents n’ont pas d’interaction professionnelles et sociales avec les gens du quartier. L’enfant ne peut construire que de la frustration et de la jalousie e développer des comportements peu constructifs.

De la même manière quand on essaye d’intégrer dans un quartier à fort taux de chômage et déprivé culturellement et économiquement des personnes à revenu élevé, on ne peut que générer de la violence et au mieux de l’indifférence.

Vivre ensemble ne peut pas être le fruit d’une décision volontaire, comme on le voit dans ces démarches de politique de la ville où l’on tente de mélanger les populations dans des quartiers défavorisés. C’est du romantisme social. C’est comme croire que la solidarité des paysans basée sur un plaisir de vivre ensemble une vie plus belle. C’était parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement qu’ils étaient solidaires et coopératifs. La preuve est que le jour où ils ont pu acheter chacun leur tracteurs la coopération s’est réduite à peau de chagrin.

Le vivre ensemble ne peut pas ressortir d’une volonté romantique. C’est toujours fondé sur une nécessité. Or les personnes des quartiers pauvres qui travaillent dans des zones industrielles, quand elles rentrent chez elles le soir, n’ont pas besoin d’avoir des relations avec des riches qui habiteraient dans leur environnement. Ils peuvent juste être jaloux de leurs signes extérieurs de richesses.

On voit bien que le sur investissement dans l’école en zone défavorisée ne crée pas un meilleur niveau de scolarisation et une meilleure insertion sociale. En fait ce n’est pas l’enseignement qui crée de la compétence. C’est plutôt l’appartenance à un collectif. Le seul effet positif qu’on peut noter dans ces démarches en zone prioritaire et tout à fait sans rapport avec l’investissement, c’est le fait qu’on s’intéresse à eux et qu’on les remets dans une relation d’engagement identitaire et des dans des activités de ressourcement narcissique. Cela n’a rien à voir avec les contenus scolaires en tant que tels.

« La première récompense du travail ce n’est pas ce qu’elle nous permet de gagner, mais ce qu’elle nous permet de devenir »  J. Ruskin

 

Remettre les enfants dans un système qui leur donne une raison sociale est le seul moyen de les conduire à construire une identité sociale et une compétence à construire un désir d’appartenance à un collectif.

Comme l’agriculture industrielle détruit jour après jours les ressources de l’agriculture de survivance, l’industrialisation de la société détruit jour après jour les ressources de l’appartenance. Cette appartenance qui fonde la « biomasse sociale » que sont les rapports humains.

L’école dans ce système joue le même rôle que l’engrais et les produits phytosanitaires.

En tentant de compenser les manques de la socialisation avec toujours plus d’école, on crée plus de problèmes qu’on en résout, en plus de cela à un cout économique prohibitif.

Un jour l’engrais ne sert plus à rien sur une terre transformée en éponge à engrais et dépourvue de biomasse. Ce qu’on commence à voir baisser dangereusement les rendements dans certaines régions de culture intensive.

Un jour l’école ne sert plus à rien sur un individu qui ne construit pas un désir d’appartenance comme on commence à le voir dans certains quartiers.

L’école égalitaire est aussi illusoire que de penser que l’engrais chimique peut rendre fertile n’importe quelle terre. Et qu’on peut faire pousser n’importe quoi n’importe où :comme on l’a vu récemment par exemple faire pousser du blé  dans le désert.

 

Si l’école servait à donner les mêmes chances à tous il y a bien longtemps qu’ils n’y aurait plus de différence entre les humains d’une même société. Or tout montre que l’école reproduit les inégalités et que, sauf cas marginal, chacun reste dans sa classe sociale et dans sa culture d’origine.

D’une manière générale, ce qui fait que l’enfant apprend à l’école ce n’est pas l’enseignant et les contenus. C’est comment l’enseignant, sur le terreau d’une pratique éducative parentale qui assure l’intérim de l’amour de soi, met l’enfant dans un système de contrainte qui l’oblige à confronter sa logique à la logique des tâches auxquelles on le confronte. C’est la multiplicité des échanges dans la diversité qui produit de la socialisation

« Encore Plus d’école » c’est comme « encore plus d’engrais ». Un investissement lourd qui pollue plus la nature qu’elle ne la stimule. L’école n’est pas plus efficace sur une société déstructurée que l’engrais sur un terre pauvre en biomasse. Même si la culture « hors sol » des grandes écoles de la nation semble être efficace au moins pour les mutations génétiques qu’elle prétend faire pousser, les techniques agricoles ne sont pas toutes généralisables.

Favoriser les échanges dans la diversité c’est laisser s’installer pour des populations qui n’ont pas le même profil psychologique que les décideurs, une façon de se construire qui correspond à leur intuition de la vie.

Potentiellement les enfants naissent avec cette propension à appartenir et à contribuer.

Mais cette propension meure très vite dès qu’ils s’aperçoivent qu’elle ne leur donnent pas ce qui sont en droit d’en attendre : de la reconnaissance.

De la même manière des institutions comme pôle emploi n’a aucun effet sur l’emploi. Un système qui facilite ou qui stimule un processus n’a d’intérêt que si ce processus peut se dérouler. Pas s’il le met en danger

 

D’une manière générale le modèle industriel est basé sur des valeurs que la limite de la nature nous oblige à re-questionner :

Produire plus n’est pas dangereux tant que cette production ne met pas en danger la capacité de reproduction de la nature. Passer d’une tonne à deux tonnes de sardine à prélever n’est pas dangereux. Mais si la pêche consiste à détruire l’écosystème du poisson pour tout prélever cela devient  dangereux.

Le modèle économique/financier sur lequel nous vivons n’est conçu pour ne considérer que le gain et pas le coût.

 

Passer du commensalisme[1] à l’association symbiotique

Inventer un modèle économique synthropique[2]

 

La grande question qui se pose aujourd’hui aux économistes est de savoir comment jeter les bases d’un modèle économique qui permettrait de mesurer les effets prédateurs de nos choix politiques qui ne répondent actuellement qu’à des intérêts immédiats.

Comment associer au prix de l’exploitation des minerais le cout écologique de sa production.

Comment valoriser différemment un produit dont la renouvellabilité est rapide et celui dont la renouvellabilité est lente ?

Une eau puisée dans des nappes phréatiques dont le renouvellement est de mille ans ne peut pas avoir le même prix qu’une eau puisée dans une rivière ou une eau de pluie récupérée.

Un litre de pétrole ne peut pas avoir le même prix que son équivalent thermique ou énergétique solaire ou éolien.

Comment adjoindre un coefficient de renouvellabilité à nos produits qui pondèrerait cette valeur en fonction du cout réel ?

Une telle démarche ne pourrait avoir comme conséquence qu’un rééquilibrage des économies.

C’est parce que le fuel n’est pas assez cher du point de vue de sa renouvellabilité qu’on se permet de faire de la chine notre atelier et de l’Afrique une réserve de bois et de matière première dans laquelle on puise sans discernement.

Si le prix du bois africain était ne serait-ce que 20% plus cher, cela rendrait rentable nos foret. Si le prix du brut était ne serait-ce que 20% plus cher, les industriels chinois ne viendraient pas en Europe prendre notre bois pour nous le revendre sous forme de lambris une fois transformé chez eux.

On peut penser au vue de la misère qui atteint les plus pauvres d’entre nous dans le monde, que la vie est trop chère, mais ce n’est pas si simple. La possibilité de piller les énergies crée plus de misère que de richesse.

Nous ne sommes pas différents de ces explorateurs du 19 ième siècle qui ont décimés les populations de phoques en terre de feu pour produire avec leur graisse de quoi éclairer la ville de Londres.

Les produits de consommation sont chers peut être mais notre misère vient essentiellement du fait que la possibilité de piller les réserves ne rend plus nécessaire la production. On peut se contenter d’être consommateur et en une génération on ne sait plus être producteur, on ne mesure plus le cout réel des choses et on accepte, sans doute en râlant un peu, que les pesticides qui économisent des couts de main d’œuvre  et augmentent les rendements détruisent les insectes polinisateurs.

On peut voir dans certains pays où la rente pétrolière représente la principale source de revenu, comment cette richesse a contribué à détruire les collectifs de production. Si on peut acheter de la nourriture et des biens matériels avec la manne pétrolière, pourquoi travailler ? On a vu dans ces pays s’installer une déstructuration sociale qui conduit à des dysfonctionnements sociaux qui commencent à couter cher. Cette richesse matérielle crée une misère de socio-diversité.

Les interactions sociales, les solidarités, les collectifs n’étant plus nécessaires, ils disparaissent. La richesse matérielle ne compense pas longtemps la perte des collectifs.

Ce qu’on a l’impression de gagner matériellement on le perd au centuple en terme de socio-diversité.

 

Reconstruire de la socio-diversité supposerait de poser collectivement des actes qui vont à court terme à l’encontre de notre intérêt immédiat. Saurons-nous le faire ? rien ne nous le montre jusqu’aujourd’hui.

 

[1] Le commensalisme (du latin co-, avec mensa, table : compagnon de table) est un type d’association naturelle entre deux êtres vivants dans laquelle l'hôte fournit une partie de sa propre nourriture au commensal : il n’obtient en revanche aucune contrepartie évidente de ce dernier (la relation est à bénéfice non-réciproque). wikipédia

[2] La syntropie est une relation mutualiste établie lors d’une co culture de deux espèces bactériennes, au cours de laquelle chaque espèce produit un élément nutritif essentiel au développement de l’autre.

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